La loi du 8 juillet 2018 portant organisation d’un point de contact central des comptes et contrats financiers et portant extension de l’accès au fichier central des avis de saisie, de délégation, de cession, règlement collectif de dettes et de protêt, est entrée en vigueur, et de notre point de vue, c’est réjouissant.
En 2016, nous plaidions pour qu’il soit permis, de lege ferenda, aux créanciers privés de disposer de davantage d’informations au sujet du patrimoine de débiteurs récalcitrants, et plus spécifiquement sur les établissements de crédit dans les livres desquels ces débiteurs sont titulaires d’un ou plusieurs comptes . Nous pointions une inégalité des moyens entre les créanciers privés et le fisc, ce dernier disposant d’un accès direct au Point de Contact Central (PCC) auprès duquel sont regroupées toutes les informations liées à la titularité de comptes bancaires ouverts en Belgique.
Nous plaidions en parallèle pour une mise en balance de l’intérêt légitime du créancier et cette intrusion dans la vie privée du débiteur, en imaginant que l’accès à ces informations soit au préalable soumis à une autorisation judiciaire et contrôlé par l’intervention d’un officier public.
La loi ici brièvement commentée constitue une ouverture dans ce sens. Elle se décline en trois parties.
– dans sa première partie, un nouveau cadre juridique pour le point de contact des comptes et contrats financiers (« PCC ») est mis en place, afin que celui-ci tienne compte des besoins de l’ensemble des parties intéressées et ne soit donc plus uniquement cantonné à la sphère fiscale.
Il s’agissait là d’une actualisation nécessaire des dispositions de droit positif touchant à la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme, la grande criminalité et la fraude fiscale, également actualisées par l’adoption de la nouvelle directive du Parlement européen et Conseil modifiant la directive (UE) 2015/849 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, dite « 5ème directive AML ».
L’exposé des motifs précise que la finalité du PCC consiste « à rassembler les informations relatives aux comptes et contrats financiers existant en Belgique dans une base de données structurée unique, afin de fournir rapidement les informations qui sont nécessaires aux autorités, personnes et organismes que le législateur a déjà habilités et pourrait habiliter dans le futur par le biais de législations spécifiques à demander ces informations, pour la réalisation de leurs missions d’intérêt général ».
Les finalités sont, pour l’heure, au nombre de six mais pourraient bien entendu évoluer compte tenu de la liberté laissée au législateur pour habiliter d’autres institutions ou personnes à demander des informations au PCC selon une finalité qu’il jugerait licite.
Parmi ces finalités, relevons celle relative au recueil de données bancaires par les huissiers de justice dans le cadre de la procédure d’ordonnance de saisie conservatoire des comptes bancaires destinée à faciliter le recouvrement de créances en matière civile et commerciale.
– dans sa deuxième partie, la loi remplace les références à l’article 322, §3 du CIR 92, en tant que fondement juridique du PCC, par des références qui lui sont propres et corrige certaines fautes techniques.
– la troisième partie vise à étendre à certaines instances fiscales l’accès du fichier central des avis de saisie, de délégation, de cession, de règlement collectif de dettes et de protêt.
Quant aux demandes d’information au PCC, s’il est prévu que la transmission des demandes d’information ne peut avoir lieu que par voie électronique, il appartiendra encore au pouvoir exécutif d’en préciser les modalités par arrêté royal.
Enfin, l’on notera que les informations à communiquer au PCC sont assez semblables à celles qui devaient être enregistrées en vertu de l’article 3 de l’arrêté royal relatif à son fonctionnement.
Certaines informations sont néanmoins ajoutées au champ d’application du PCC :
– les obligations qui se rapportent aux comptes bancaires sont étendues aux comptes de paiement ;
– l’identité des mandataires d’un compte bancaire ou de paiement ;
– l’existence de la location de coffres bancaires ;
– l’existence de contrats d’assurance-vie relevant de la branche 21 ainsi que des contrats d’assurance relevant des branches 23,25 ou 26 et dont le risque de placement est supporté par le preneur d’assurance (avec certaines exceptions) ;
– les opérations de change d’espèces ou d’actifs monétaires en métaux précieux contre espèces ;
– l’identité de la personne physique qui a effectivement versé ou reçu des espèces pour compte d’un client au nom duquel un transfert d’argent vers ou de l’étranger contre espèces, ou une opération de change impliquant des espèces, a été effectué.
Gilles LAGUESSE et Sarah AZEMI