Cet article est en lien avec un autre article de ce site consacré au conseil en investissement prodigué par un courtier en assurances. Il est par ailleurs un extrait du « Baromètre de jurisprudence en droit bancaire 2019″ des auteurs de ce site, publié in extenso dans la revue D.A.O.R.
Une affaire portée devant la Cour d’appel de Liège[1], a donné lieu à une intéressante décision en matière de responsabilité du courtier en assurances à l’égard de conseils en investissement dans des produits d’assurance-vie « branche 23 » (sans capital garanti, lié à des investissements sous-jacents).
Des investisseurs avaient souscrit, par l’intermédiaire d’un courtier en assurance, des contrats d’assurance-vie branche 23 mais également des obligations structurées litigieuses et des fonds, ces services étant rémunérés par le biais de commissions [4].
Distinction entre instruments financiers « MiFID » et produits d’assurance branche 23
Dans un premier temps, la cour a rappelé qu’il convient d’opérer une distinction entre les opérations intervenues par l’intermédiaire du courtier en assurances selon qu’elles s’inscrivent dans le cadre de l’activité d’intermédiaire financier du courtier ou dans le cadre de son activité d’intermédiaire d’assurances, la législation sur les opérations sur instruments financiers applicable à la première ne s’appliquant pas à la seconde.
En ce sens, la Cour analyse la question en se fondant sur les conclusions de la Cour de Justice de l’Union Européenne qui, par son arrêt C-542/16 du 31 mai 2018 statuant sur renvoi préjudiciel, a en effet dit pour droit que :
« les conseils financiers relatifs au placement d’un capital prodigués dans le cadre d’une intermédiation d’assurance portant sur la conclusion d’un contrat d’assurance-vie en capital relèvent du champ d’application de la directive 2002/92 et non pas de celui de la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004 ».
La Cour de justice a ainsi exclu la possibilité pour les conseils en investissement donnés par les intermédiaires en assurance d’être soumis à MiFID, sur la base de l’exemption contenue à l’article 2, 1., c), de MiFID I, suivant lequel MiFID ne s’applique pas « aux personnes qui fournissent un service d’investissement à titre accessoire dans le cadre d’une activité professionnelle, dès lors que celle-ci est régie par des dispositions législatives ou réglementaires ou par un code déontologique qui n’exclut pas la fourniture de ce service »[2].
La Cour d’appel conclut que seules deux opérations sont ainsi susceptibles d’engager la responsabilité du courtier en qualité d’intermédiaire financier, les souscriptions et rachats de polices d’assurance-vie Branche 23 se rapportant à des produits financiers fondés sur l’assurance et devant être examinés au regard de ses obligations en qualité d’intermédiaire en assurance.
Une commission versée au courtier et liée à un investissement dans des instruments financiers entraîne l’application de la loi du 2 août 2002
En ce qui concerne ces deux opérations, la Cour fait application de la loi du 2 août 2002 et, alors que le courtier conteste revêtir la qualité d’entreprise d’investissement, la Cour en rappelle la définition légale : « les entreprises de droit belge dont l’activité habituelle consiste à fournir ou à offrir à des tiers un ou plusieurs services d’investissement à titre professionnel et/ou à exercer une ou plusieurs activités d’investissement (…) ». Les termes « à titre professionnel » requièrent que le service soit rendu moyennant une rémunération et que le fait de fournir un seul service suffit[3]. Tel était le cas, selon la Cour, des services fournis par le courtier dans le cadre de la souscription par les investisseurs des obligations structurées litigieuses et des fonds[4].
Cela étant, analysant la définition donnée au conseil en investissement et à la gestion de portefeuille, la Cour considère qu’aucun élément n’est de nature à établir que le courtier aurait fourni des conseils en investissement ou des services de gestion de portefeuille. La Cour indique qu’il ne serait intervenu qu’en qualité de « simple intermédiaire entre émetteur et souscripteurs des produits », en telle sorte que le courtier n’était tenu à aucune obligation de conseil. La Cour soutient toutefois que le courtier aurait dû réaliser un test du caractère approprié, conformément à ce que prévoyait l’article 27, §5 de la loi du 2 août 2002 mais que le manquement à cette obligation ne suffit pas à s’engager sa responsabilité.
[1] Liège, 2 avril 2019, inédit, R.G. 2017/RG/1056.
[2] CJUE, 31 mai 2018, 62016CJ0542, https://eur-lex.europa.eu.
[3] Voy. Cass., arrêt n° F-20030304-13, 4 mars 2003, disponible sur www.juridat.be.
[4] Il convient de rappeler que l’exercice d’une activité réglementée sans agrément est sanctionnable pénalement. Il n’y est toutefois pas fait référence dans le cadre de cette affaire. Rappelons également que la loi du 2 août 2002 prévoit que le juge annule toute convention visant à l’offre ou à la fourniture de services et activités d’investissement conclue alors que le prestataire concerné ne dispose pas de l’agrément exigé.