La période de confinement en raison du COVID-19 nous rappelle qu’être indépendant comporte des risques, notamment lorsque l’indépendant est propriétaire d’une maison ou d’un appartement.
En effet, il n’y a pas de distinction entre le patrimoine privé et le patrimoine professionnel de l’indépendant lorsque celui-ci exerce son activité en personne physique et non au travers d’une société. Cela a pour conséquence qu’en cas de difficultés financières liées à l’activité d’indépendant, les créanciers peuvent se retourner contre son patrimoine personnel et ainsi faire saisir son immeuble. S’il s’agit de l’immeuble dans lequel l’indépendant a sa résidence principale, il risque, ainsi que sa famille, de se retrouver à la rue.
La loi du 25 avril 2007[1] est venue apporter une solution à ce problème. Cette loi consacre le principe de l’insaisissabilité de la résidence principale de l’indépendant. Concrètement, les créanciers ne peuvent réaliser aucune saisie sur l’immeuble où l’indépendant a sa résidence principale.
La résidence principale est le lieu où l’indépendant vit habituellement.
- Qui peut bénéficier de cette protection ?
La loi prévoit qu’« on entend par travailleur indépendant : toute personne physique qui exerce à titre principal, à titre complémentaire ou en qualité d’actif après pension en Belgique une activité professionnelle en raison de laquelle elle n’est pas engagée dans les liens d’un contrat de louage de travail ou d’un statut ».
En pratique, la protection est ouverte à tous les commerçants, artisans, entrepreneurs, mandataires de société (gérants et administrateurs) et titulaires de professions libérales. Les indépendants à titre complémentaire ou encore les pensionnés qui exercent une activité indépendante peuvent également en profiter.
La loi prévoit en outre que le bénéfice de la protection joue pour les droits réels, autres que le droit d’usage et d’habitation. En d’autres termes, le propriétaire, le nu-propriétaire, l’usufruitier, l’emphytéote et le titulaire d’un droit de superficie peuvent bénéficier de la protection.
- Comment bénéficier de cette protection ?
La protection prévue par la loi n’est pas automatique. En effet, l’indépendant qui souhaite bénéficier de la protection doit obligatoirement faire une déclaration d’insaisissabilité de son immeuble devant un notaire.
La déclaration doit en outre contenir une description détaillée de l’immeuble et l’indication du caractère propre, commun ou indivis des droits que l’indépendant détient sur l’immeuble.
Si l’indépendant est copropriétaire de l’immeuble, la protection est limitée à la partie dont l’indépendant est propriétaire au moment de la déclaration.
De plus, lorsque l’indépendant est marié, il est requis que son époux/son épouse donne son accord. En effet, le notaire ne peut recevoir l’acte sans l’accord de son époux/son épouse.
Pour sortir ses effets, la déclaration doit être transcrite sur un registre au bureau du conservateur des hypothèques. Ce n’est qu’à dater de la transcription que la protection sort ses effets.
Enfin, si les deux époux sont indépendants, ils peuvent faire leur déclaration dans un même acte.
- Pour quelles dettes ?
La protection ne vise que les dettes professionnelles qui ont été contractées postérieurement à la transcription de la déclaration. En effet, les dettes privées ou les dettes professionnelles antérieures à la transcription de la déclaration ne sont pas couvertes. Il en va de même pour les dettes mixtes qui concernent tant la vie privée que la vie professionnelle de l’indépendant.
Enfin, la protection ne sortira pas ses effets à l’égard des dettes qui résultent de la commission d’une infraction et ce, même si celles-ci concernent l’activité professionnelle de l’indépendant.
- Quid si l’indépendant a affecté une partie de l’immeuble à son activité professionnelle ?
La loi prévoit que lorsque l’immeuble est à usage mixte, professionnel et d’habitation, la description de l’immeuble dans la déclaration doit distinguer clairement la partie affectée à l’habitation et la partie affectée à l’usage professionnel. Il doit également y être fait mention de la surface de chacune des parties. Cela aura une incidence sur la protection accordée. En effet :
- Si la surface de la partie affectée à usage professionnel représente moins de 30 % de la surface totale de l’immeuble, la totalité de l’immeuble est déclaré insaisissable.
- Si la surface de la partie affectée à un usage professionnel représente 30 % ou plus de la surface totale de l’immeuble, seule la partie affectée à la résidence principale sera protégée. Cela a pour conséquence que la partie affectée à la profession pourra être saisie par les créanciers.
- Combien de temps dure la protection ?
La loi prévoit que l’indépendant peut à tout moment renoncer à la protection. En cas de renonciation, la déclaration est présumée n’avoir jamais existé et cesse dès lors de produire ses effets.
Il en va de même en cas de décès ou lorsque l’indépendant devient travailleur salarié.
- Quid si l’indépendant vend son immeuble ?
La loi prévoit qu’en cas de vente de l’immeuble affecté à la résidence principale, la protection s’applique sur le prix de vente obtenu. Attention toutefois que cette protection n’est accordée qu’à condition que le prix de vente soit remployé dans un délai d’un an à compter de l’acte authentique de vente pour acquérir un nouvel immeuble affecté à la résidence principale.
Enfin, le nouvel immeuble pourra bénéficier de la protection à condition qu’une déclaration expresse de remploi des fonds soit prévue dans l’acte authentique d’achat.
Pour toute question sur le sujet ou une planification spécifique, n’hésitez pas à prendre contact avec nos associés spécialisés dans ces questions, Me Gilles de FOY (organisation du patrimoine), Me Jérôme HENRI (insolvabilité).
[1] Loi du 25 avril 2007 portant des dispositions diverses (IV), M.B., 8 mai 2007.