Dans un arrêt du 15 octobre 2020, la Cour de cassation a (une nouvelle fois) mis à mal la position de l’Administration fiscale belge en matière de QFIE applicable aux dividendes français versés à des résidents fiscaux belges, confirmant ainsi (une nouvelle fois également) que la Belgique se devait d’accorder ce crédit d’impôt aux contribuables belges concernés.
Nous avions déjà, dans un précédent article au titre similaire (voyez « QFIE et dividendes français : suite (et fin ?) »), détaillé les principes en la matière, les conséquences pour les contribuables et leurs possibilités d’actions.
- Rappel de la problématique
Pour rappel, la problématique de fond est, en substance, la suivante : le pouvoir d’imposition sur des dividendes de source française versés à des résidents fiscaux belges appartient à la Belgique (pays de résidence des bénéficiaires des dividendes), conformément à la Convention préventive de la double imposition qui existe entre la Belgique et la France. Toutefois, malgré cette situation, la France procède à un prélèvement à la source de 15%. La Belgique applique ensuite son précompte mobilier (en principe 30%) sur le montant net frontière. Juste que là, rien d’étonnant, étant donné que ces règles sont prévues par la Convention préventive de la double imposition entre la Belgique et la France (à l’instar finalement de nombreuses conventions préventives de la double imposition). La Convention (dans sa version actuelle) précise cependant que toute double imposition doit être évitée à cet égard : ainsi, un crédit d’impôt (appelé « quotité forfaitaire d’impôt étranger – QFIE ») doit être octroyé par la Belgique pour remédier à la double taxation des dividendes.
C’est à ce niveau que le débat s’est animé. La législation belge contenait effectivement une telle possibilité. Toutefois, suite à une modification il y a quelques années des règles en la matière, ne permettant plus aux investisseurs « privés » de pouvoir bénéficier de cette QFIE, la plupart des résidents belges ne pouvaient plus se voir octroyer ce crédit d’impôt. Par conséquent, le contribuable particulier résident fiscal belge était soumis à une double imposition, en totale violation des règles internationales pourtant impératives.
La doctrine et la jurisprudence n’avaient pas manqué de critiquer cette position incorrecte soutenue par l’Administration fiscale belge. La Cour de cassation avait également pris une position ferme à cet égard : en effet, par un arrêt du 16 juin 2017, elle avait condamné la position de l’Administration fiscale belge en la matière, laquelle entraînait in fine une double imposition desdits dividendes. L’Administration belge était donc invitée à corriger cette double imposition en permettant aux contribuables concernés de bénéficier du crédit d’impôt. Dans un arrêt récent du 17 décembre 2019, la Cour d’appel d’Anvers avait également suivi la Cour de cassation.
Suite à ces positions jurisprudentielles, les contribuables étaient vivement encouragés à entamer des procédures à l’égard de l’Administration fiscale belge afin de récupérer ce trop-payé d’impôt, que ce soit via une procédure classique de réclamation (si le délai le permettait encore) ou via une procédure de dégrèvement d’office.
Nous pensions donc que l’Administration allait logiquement revoir sa position et accorder ces récupérations d’impôts aux contribuables. Etonnamment (même si force est de constater que l’Administration nous a, ces dernières années, habitués à ce genre de situation), l’Administration a estimé « qu’elle n’était pas vaincue » et attendait donc d’autres décisions afin de prendre position. Les dossiers de recours introduits par les contribuables étaient ainsi, d’une certaine manière, bloqués.
- Nouvelle confirmation de la Cour de cassation
Cette « attente de décisions » de la part de l’Administration nous semble avoir pris fin par cet arrêt du 15 octobre 2020. Dans ce dernier, la Cour de cassation confirme (une nouvelle fois) sa position : les dispositions conventionnelles imposent à la Belgique d’accorder un crédit d’impôt.
Il va de soi que cette décision est bienvenue, car elle apporte une nouvelle pierre à l’édifice des recours entamés par les contribuables face au maintien incorrecte, par l’Administration fiscale, de sa position.
Cette position est en outre, tel que déjà indiqué pour les décisions précédentes, pleine de sens, car elle ne fait que rappeler la primauté du droit international sur le droit interne : le texte de la Convention belgo-française est clair et prévoit l’application d’un crédit d’impôt. La Belgique ne peut donc utiliser une modification légale interne pour ne pas respecter ses obligations conventionnelles.
- La messe est-elle dite ?
Suite à cet arrêt, l’étau semble clairement se resserrer pour l’Administration, étant donné qu’il s’agit d’une nouvelle confirmation (et de la deuxième faite par la Cour de cassation) que sa position est légalement incorrecte.
Cette décision sonne-t-elle un clap de fin pour l’Administration ? Selon nous, il conviendrait que celle-ci fasse preuve de bon sens et décide finalement de se ranger à ces multiples confirmations tant doctrinales que jurisprudentielles.
Actuellement, il semblerait que cet arrêt soit « à l’étude » auprès des autorités administratives compétentes. Il sera donc intéressant de voir l’attitude qui sera prise par l’Administration : va-t-elle s’entêter à maintenir une position critiquée et critiquable, ou va-t-elle finalement se ranger face à une position légalement correcte et de bon sens ?
De notre point de vue, nous espérons vivement que l’Administration revoie sa copie et évite de tomber dans des travers passés d’entêtement, comme ce fut notamment le cas pour d’autres dispositions fiscales. A l’heure où la confiance dans les « autorités » est, encore plus qu’avant, une valeur fondamentale de notre société de droit, il serait bienvenu que l’Administration accepte, malgré les conséquences économiques potentielles des remboursements liés à cette décision, que sa position est incorrecte.
En attendant, nous ne pouvons qu’encourager (une nouvelle fois) les contribuables visés par cette double imposition à introduire des recours, afin de défendre et préserver leurs droits.
Pour toute question, n’hésitez pas à prendre contact avec nos associés spécialisés dans ces questions, Me Emanuele CECI et Me Gilles de FOY.